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coup de pioche
25 septembre 2007

Texte intégral de "la dent d'or"

 


"Première dissertation

 

Chapitre quatrième

 Que les histoires surprenantes qu’on débite sur les oracles doivent être fort suspectes.

 

 
Il serait difficile de rendre raison des histoires et des oracles que nous avons rapportés, sans avoir recours aux démons ; mais aussi tout cela est-il bien vrai ? Assurons-nous bien du fait, avant que de nous inquiéter de la cause. Il est vrai que cette méthode est bien lente pour la plupart des gens qui courent naturellement à la cause, et passent par-dessus la vérité du fait ; mais enfin nous éviterons le ridicule d’avoir trouvé la cause de ce qui n’est point.
Ce malheur arriva si plaisamment sur la fin du siècle passé à quelques savants d’Allemagne, que je ne puis m’empêcher d’en parler ici.
 « En 1593, le bruit courut que, les dents étant tombées à un enfant de Silésie âgé de sept ans, il lui en était venu une d’or à la place d’une de ses grosses dents. Horstius, professeur en médecine dans l’université de Helmstad, écrivit, en 1595, l’histoire de cette dent, et prétendit qu’elle était en partie naturelle, en partie miraculeuse, et qu’elle avait été envoyée de Dieu à cet enfant pour consoler les chrétiens affligés par les Turcs ! Figurez-vous quelle consolation, et quel rapport de cette dent aux chrétiens ni aux Turcs ! En la même année, afin que cette dent d’or ne manquât pas d’historiens, Rullandus en écrit l’histoire. Deux ans après, Ingolsteterus, autre savant, écrit contre le sentiment que Rullandus avait de la dent d’or, et Rullandus fait aussitôt une belle et docte réplique. Un autre grand homme, nommé Libavius, ramasse tout ce qui avait été dit de la dent, et y ajoute son sentiment parti­culier. Il ne manquait autre chose à tant de beaux ouvrages, sinon qu’il fût vrai que la dent était d’or. Quand un orfèvre l’eut examinée, il se trouva que c’était une feuille d’or appliquée à la dent, avec beaucoup d’adresse : mais on com­mença par faire des livres, et puis on consulta l’orfèvre. »
Rien n’est plus naturel que d’en faire autant sur toutes sortes de matières. Je ne suis pas si convaincu de notre ignorance par les choses qui sont, et dont la raison nous est inconnue, que par celles qui ne sont point, et dont nous trouvons la raison. Cela veut dire que, non seulement nous n’avons pas les principes qui mènent au vrai, mais que nous en avons d’autres qui s’accom­modent très bien avec le faux.
De grands physiciens ont fort bien trouvé pourquoi les lieux souterrains sont chauds en hiver, et froids en été. De plus grands physiciens ont trouvé depuis peu que cela n’était pas.
Les discussions historiques sont encore plus susceptibles de cette sorte d’erreur. On raisonne sur ce qu’ont dit les historiens ; mais ces historiens n’ont-ils été ni passionnés, ni crédules, ni mal instruits, ni négligents ? Il en faudrait trouver un qui eût été spectateur de toutes choses, indifférent et appliqué.
Surtout quand on écrit des faits qui ont liaison avec la religion, il est assez difficile que, selon le parti dont on est, on ne donne à une fausse religion des avantages qui ne lui sont point dus, ou qu’on ne donne à la vraie de faux avantages dont elle n’a pas besoin. Cependant on devrait être persuadé qu’on ne peut jamais ajouter de la vérité à celle qui est vraie, ni en donner à celles qui sont fausses."

Histoire des oracles, Fontenelle; 1687

 

 

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Commentaires
T
Ça fait plaisir
L
j'espère que votre blessure ne vous fait pas trop mal! nous avons repris les cours avec madame vinel, votre remplaçante! elle me semble très bien! nous avons commencé a travaillé sur un nouveau texte qui est très interréssant! rétablissez-vous bien! <br /> signé une élève de la 1ère ES
P
Bonjour Monsieur j'espère que vous allez bien ! le coup de pioche ne fait pas trop mal?? lool ^^ rétablissez vous vite pour etre de nouveau en forme ! a+
coup de pioche
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